20 janvier 2017
Carnet / De l’ours
Parmi le bric-à-brac pathétique d’idées, d’illusions, d’obsessions et de vagues espoirs que nous trimballons tout au long de notre vie comme une batterie de casseroles accrochées à l’arrière d’une voiture de jeunes mariés, notre bestiaire personnel tient une place de choix.
Le mien se compose du lézard, du cobaye, de la pipistrelle et, surtout, de l’ours. Il fallut que j’atteigne ces âges qu’on dit de la maturité pour me rendre compte à quel point la figure de l’ours est présente dans mon esprit voire parfois dans mon corps lorsque l’hiver et cette saleté de neige me rendent somnolent, grognon et boulimique.
En faisant défiler le film de ma vie, un très ancien souvenir de ma prime enfance apparaît à l’écran : lors d’un dîner de famille au Nouvel An, après m’être bien garni la panse et avoir vidé les fonds de verre, j’entendis les adultes parler de la Grande Ourse et je crus que le ciel était réellement habité par un spécimen d’ours géant et noctambule qui venait parfois rôder dans mon sommeil. Ce rêve ne m’inquiétait guère car la Grande Ourse était accompagnée de la Petite Ourse, elle était donc une maman et il n’y avait rien à craindre d’une maman.
La créature que je redoutais le plus avant de m’endormir dans la tanière de mes couvertures en osant à peine risquer un œil dans la nuit énorme et remuante était le loup (merci Sergueï Prokofiev). L’intensité dramatique de l’irruption tonitruante des cors annonçant le loup sortant du bois me fait encore aujourd’hui froid dans le dos.
Pour en revenir à la figure du plantigrade, j’eus deux ours en peluche dans mon enfance. Le premier avait le ventre rempli de crin et s’appelait Copain. Je me demande pourquoi je l’avais baptisé ainsi car m’entourer de copains n’a jamais vraiment été mon style.
Le deuxième ours en peluche arriva plus tard à la faveur d’une légère régression psychologique ainsi qu’il s’en produit parfois à la fin de l’enfance. Il s’appelait Teddy et déclarait j'aime bien les gâteaux si l’on tirait sur l’anneau prolongé d’une ficelle disposé sur son flanc. La brève carrière de Teddy s’interrompit brutalement le jour où, tirant sur la ficelle, j’entendis la phrase j’aime bien les gâteaux finir en un infâme borborygme évoquant la conclusion peu flatteuse d’une flatulence fatale consécutive à un grave accident mécanique.
Un autre ours d’enfance s'invitait à l’heure du repas, celui de la série télévisée Bonne nuit les petits. Je le trouvais sympathique parce que j’avais associé le grain de sa voix ronde et chaleureuse à l’appétissant fumet de la quiche lorraine dont je raffolais et que je humais face au halo laiteux de la lucarne. En revanche, j’estimais que le marchand de sable avait mauvais genre et Nicolas et Pimprenelle des têtes à claques.
L’adolescence venue, les ours disparurent de mes préoccupations au profit de créatures moins poilues du genre qu’on invite au restaurant. En ces périodes excessivement hormonales, l’ours qui tentait de se faire oublier en moi se trahissait quand même par son comportement glouton et pataud.
Parfois, dans mes tiroirs et dans mes carnets, la silhouette de l’ours se dandine dans un conte pour enfants inédit destiné à la scène. Je ne l’ai pas beaucoup travaillé et encore moins publié parce que j’aurais besoin d’un musicien compositeur et d’un décorateur pour mener à bien ce projet. Hélas, comme le travail en équipe me met de la même humeur qu’un grizzly dérangé en plein petit déjeuner...
Encore quelques mots à propos de l’ours. Je vais finir par croire pour de bon que les livres ne nous arrivent pas par hasard.
Je viens en effet de finir l’année 2016 sur une lecture des plus réjouissantes, un roman américain ironique en antidote parfait à la majorité des petits machins prétentieux de bon nombre de nos romanciers hexagonaux à la mode. L’ours est un écrivain comme les autres, de William Kotzwinkle (ne me demandez pas comment cela se prononce) est une fable désopilante sur les magouilles de l’édition, le malentendu et la vanité du succès. À vous procurer d’urgence aux éditions 10/18 ou aux éditions Cambourakis pour agrémenter votre hibernation ou lutter contre la déprime hivernale, même si vous n’êtes ni un écrivain ni un ours.
02:01 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ours, carnet, note, journal, autobiographie, écriture de soi, blog littéraire de christian cottet-emard, grizzly, tanière, forêt, campagne, bois, loup, sergueï prokofiev, pierre et le loup, cobaye, pipistrelle, lézard, bestiaire, plantigrade, christian cottet-emard, l'ours est un écrivain comme les autres, william kotzwinkle, éditions 1018, roman, fable, littérature américaine, fiction, humour
23 avril 2014
Jim Harrison et la nature humaine
« C'est amusant, et je suis certain qu'un anthropologue pourrait l'expliquer, cette manie qu'ont les hommes de jauger et de commenter l'anatomie féminine, sans s'inquiéter une seconde de leur propre aspect négligé ou de leur inélégance foncière. J'ai vu le salopard le plus ignoble du monde noter une pauvre femme selon une échelle allant de un à dix, mais je ne doute pas une seconde que les femmes ont des comportements à peu près similaires, qu'elles ne dévoilent pas aux membres du sexe opposé. »
(Extrait de La Bête que Dieu oublia d'inventer de Jim Harrison, dans le recueil En route vers l'Ouest, éditions 10/18.)
13:06 Publié dans Alliés substantiels | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jim harrison, en route vers l'ouest, la bête que dieu oublia d'inventer, nouvelle, littérature américaine, auteur américain, amérique, usa, états unis, prose, blog littéraire de christian cottet-emard, alliés substantiels, citation, homme, femme, nature humaine, anatomie, anthropologue, anthropologie, élégance, inélégance
09 août 2013
Tourment
« Rien ne tourmente davantage un vieux chnoque que la pensée de la vie non vécue » .
- Jim Harrison -
(Extrait de la nouvelle La bête que Dieu oublia d'inventer dans le recueil intitulé En route vers l'ouest, éditions 10/18).
À lire aussi : Jim Harrison, En marge, éditions 10/18.
Et à voir : portraits de Jim Harrison.
02:56 Publié dans Alliés substantiels | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jim harrison, littérature, amérique, usa, littérature américaine, nouvelle, éditions 1018, en route vers l'ouest, la bête que dieu oublia d'inventer, alliés substantiels, citation, blog littéraire de christian cottet-emard, en marge